lundi 11 mars 2013

Ce que les hommes m'entament

Assise sur les longues planches teintes, aussi présente qu'absente.
Coeur tendre, surface sombre.
Tout comme le bois.
Je regarde la sève collante qui est remontée avec la chaleur, laissant des traces blanches ça et là.
Le bois est vivant.
Lui, il me parle encore comme quelqu'un qui est convaincu de penser à ma place.
C'est l'impression qu'il me donne.
Il n'est pas le premier.
J'aime autant penser au bois sous mes jambes.
Je le regarde encore, je fouille les traits de son visage, cherche dans son regard.
Je n'ai plus envie de l'entendre.
Je prends pourtant le temps de lui répondre, encore une fois, après une autre phrase qui, l'air de rien, tend à m'amener sur un chemin où je ne veux pas aller.
Je vais ouvrir la bouche, mais il va encore faire celui qui n'a pas entendu et la réaction sera un genre de surprise.
Je refuse d'aller dans son sens.
Il a commencé ouvertement en me parlant de mes cheveux.
Il a dit que je devrais me laisser pousser les cheveux.
Il aime imaginer lorsque j'avais les cheveux longs, comme ceux de ma fille.
Il dit que la première chose qu'il regarde chez une femme, ce sont ces cheveux.
Je suis lasse.
Au départ, je l'ai trouvé rustre, et simplement maladroit.
Je ne suis plus choquée par grand chose, je ne suis pas non plus naïve, mais je reste habitée par une certaine innocence, et il y a des propos, des manières de faire, qui me froisse, me chiffonne, me roule en boule en dedans.
Lui, maintenant, il m'ennuie, quand il ne m'agace pas tout court.
Je réponds gentiment, je contourne.
Je ne cherche pas à faire entrer un homme dans ma vie. Je n'en ai pas envie. Et d'ailleurs, au vue de mes dernières relations, j'ai beaucoup trop de raisons de ne pas avoir envie, là, tout de suite.
Il a cette façon de parler qui fait sonner l'alarme dans ma tête.
Je souris intérieurement en même temps. Il me prend pour une gourde...
Ou alors il est beaucoup trop sûr de lui.
Voir les deux à la fois.
C'est lassant.
C'est épuisant.
Cette façon qu'on eu les hommes dans ma vie de vouloir me faire croire qu'ils avaient le droit de penser que j'étais séduite, pire, amoureuse.
Cette façon déplacée de vouloir me faire plier, comme pour me convaincre que je me voiles la face en osant imaginer que je ne ressens rien, que je ne suis pas sous le charme ou que je n'ai pas besoin de tendresse comme tout le monde.
Je suis agacée.
Non, en fait, je suis excédée, par cette incapacité de leur part à faire la différence entre mon caractère prévenant, attentionné, ma douceur naturelle, et une quelconque séduction que je suis censée mettre en pratique.
Épuisée de devoir encore supporter d'entendre des mots stupides, arrogants, sentant tout simplement le mâle trop assuré qui se gargarise, s'auto-persuade et refuse d'entendre.
C'est être niée. C'est terriblement rabaissant. Voir humiliant.
Etre renvoyée comme ça, d'emblée, au rang de poupée qui dit oui.
Je supporte encore l'insulte, une fois de plus, une fois de trop.
A croire que d'être face à une jeune mère célibataire, ça donne le sentiment d'être un super mâle aux jeunes cons. Et ça n'est pas une question d'âge malheureusement.
Je suis bien, seule.
Je sais être avec un homme sans pour autant penser à un quelconque contact qui engagerait je ne sais quel dérapage, contrôlé ou pas.
Je n'aime pas la perspective d'un dérapage, d'autant que je suis mère.
Je n'ai pas envie de m'amuser, ce genre de jeux ne m'amuse pas.
Ca ne m'a jamais amusé.
Jamais.
Je me demande encore ce que je vais pouvoir lui dire.
Je n'ai pas envie de devenir agressive, mais je sens que ça monte.
Je dois garder mon calme, il y a lui maintenant, et les autres avant.
L'accumulation fait monter la tension sans doute plus vite et plus fort qu'il ne faudrait.
Je tente de lui expliquer, les hommes.
Les hommes à travers moi.
Ceux que j'ai rejeté.
Ce que j'en ai gardé. Ce qui me porte encore.
Ceux que j'aime.
Parce que je ne me considère pas tellement comme une femme seule.
J'aime des hommes. Mais je n'ai ni besoin de leur présence physique, ni besoin de quelconque contact palpable dans mon présent pour ressentir leur amour et leur en porter.
J'aime les hommes respectables.
Lorsque je me lève, je sors de la torpeur de la nuit souvent encore emplie de leur prévenance et de leur douceur.
C'est à dire que si je m'envole pour des sommets, en étant prêts de ceux qui tournent leur regard encore plus haut, ça n'est pas que ça ne regarde que moi, je le partagerai volontiers, mais c'est aussi profondément personnel que complétement... ouvert.
Lorsque je m'assoies, je retourne dans les bras surs.
Si moindrement je faiblis, si je doutes, je les sais vivants, et je me sens pilier inébranlable.
Je pourrai en dire plus, je n'ai pas besoin d'un autre amour que celui là.
C'est celui que j'ai toujours cherché, celui qui m'a toujours porté, et j'ai souffert longtemps de constater le manque d'ouverture dans le cœur des gens pour au moins laisser filtrer la lumière...
Chacun sa route.
Je referme la porte, ça demanderait des heures de discussion d'en parler.
Je pourrai aussi bien lui dire, raconte moi, toi, ton chemin.
C'est ce que je fais.
Mais il y voit encore un moyen de me raccrocher à lui.
Comme si ma destinée était liée à la sienne, et qu'il fallait que je lui tombe dans les bras.
J'ai beau lui rappeler, quelque part, j'aime trop haut, trop grand, trop vaste.
Je lui explique quel genre d'homme possible, éventuellement, si jamais, quelqu'un dans ma vie, à mes côtés, jour après jour.
Je veux qu'il comprenne, je peux apprécier sa présence, de le découvrir.
Mais qu'il prenne un air surpris quand je lui dis, j'ai sommeil, tu peux dormir là si tu veux, alors que je lui désigne ma chambre libre, et que je me dirige vers celle de ma fille:
"tu vas dormir là?"
Oui, je vais dormir seule, je te propose le lit, certainement que je préparerai le petit déjeuner avec plaisir, mais je ne t'ai jamais invité à imaginer que j'avais envie d'un contact physique.
Ce problème de mise à distance est pire qu'oppressant.
Il m'éloigne de plus en plus des hommes, de certaines femmes aussi, agressives dans leur manière d'agir, dans la séduction permanente, dans les rapports de force.
Il faut toujours trouver la juste mesure de mise à distance.
Expliquer que l'écoute est possible de ma part, et après ces quelques années, je me trouve patiente...
Je reste ouverte à l'échange, pas à ce qu'on m'agresse.
Je suis épuisée d'être agressée.
Par le jeune homme qui insiste beaucoup trop.
Par celui avant l'autre qui n'a pas supporté que je le repousse, ayant décidé, moi, de me respecter, en tant que corps et personne humaine.
Par d'autre encore, en choisissant plutôt le silence... le silence et l'oubli.
En tâchant de repousser la colère, et la douleur.
Encore, retrouver le calme intérieur, et refuser de laisser l'agresseur prendre de la place.
Fatiguée de devoir me regarder dans une image qui est supposée être moi lorsqu'elle n'est que la projection des désirs de l'autre.
Fatiguée de devoir faire le tri entre cette image et qui je suis.
Lasse de perdre du temps à tenter de faire le tri dans la tête de l'autre...
Simplement... qu'on me fiche la paix si on est incapable de communiquer.
Et qu'est ce qu'on veut encore me prendre de force à surenchérir?
C'est assise au bord de l'eau glacée qui dévale que je me souviens.
J'ai été cette petite fille déjà trop sûre de qui j'étais, de ma sensibilité, et de ce monde autour, comme aveugle.
Comme si je savais voir et sentir quelque chose de plus grand qui unissait tout, une évidence, mais que les autres ne se sentaient que divisés et n'avaient de goût que pour l'affirmation de leurs propres désirs... en voulant me les imposer jusqu'au point de me faire croire que ce sont les miens, de désirs.
Je préfère l'eau qui coule, l'eau qui descend du ciel et retourne à l'océan.
Combien de gouttes jusqu'ici?
L'océan est vaste.
L'océan ne refuse aucune rivière.


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