Le lait des mangues sur l'arbre au réveil. Les fleurs de frangipanier et la terre, surtout après la pluie de nuit. Le jasmin qui traîne encore sur fond de jour qui se lève. L'iode et les embrums de 5h30 du matin. Le veloutier caressant, les mangues éclatées sur le sol, douceâtres, les fleurs qui s'épanouissent sur le chemin de sable. Ce parfum de racines et de lianes qui remonte depuis le sol. L'odeur de fraîcheur du matin, parfois encore tiède de la veille, parfois embrumée, encore verte de pluie. Les algues vertes accrochées à la roche noire. Le thé vert brûlant de 6h45. Le sel de ma peau et celui de l'océan. Selon les jours, étiré jusqu'à 7h30, 8h30, en avançant dessous les filaos. Le pain chaud, le sucre et le beurre, de la boulangerie ou de la cuisine, en pensant à l'odeur de lait de ma fille encore dans ses draps tièdes. Les quelques gouttes d'huile essentielle de cryptoméria pour me réveiller vraiment. Pour amortir la sortie du sommeil. L'encens au lotus. Le Nag Champa. Le santal. Le cèdre. Ce qu'il en reste imprégné sur mon sac de toile. Encore le chemin sableux et le goudron. Le goudron qui a l'air tendre, gorgé de soleil déjà en début de matinée. Le sable chaud, comme secoué par les rayons. Le sable humide déjà enseveli par lui même. Traînées de corail et de coquillages. Poisson en décomposition sur la plage. Coquille vide chargée d'iode ramené à la maison. Algues qui écument sur le bord avec la chaleur. Le bois flottant rejeté par la mer, un rien gluant. Le bois brûlé, les restes de feu de camp. Et puis... l'étal de bois qui craque, la peau des letchis mûrs comme prête à éclater. Les tamariniers blancs, les plumes et les épines. Les épines et les petites boules jaunes des acacias. Les épines, les feuilles, l'écorce. Le combava bosselé. Les feuilles. Les nattes de vacoa qui sèchent. Les paniers de rafia. La marmite à riz à glisser dedans. Le riz. Quelque part entre le sucre cuit plein de coco râpé et le bouillon miso. La vapeur du rice cooker qui monte. Encore le thé. Tout le jour. Les épices et les aromates qui m'appellent, en tâtonnant, en étant sûre. Le bois. Le bois de pin. Le nouveau toit. L'attente. L'embrun différent le soir. Si le vent a tourné. Si les nuages ont délivré le ciel. L'attente de la terre humide. Une soif immense. Le rafia fin de ma large capeline bleu de nuit, bleu turquoise, qui retombe sur mes épaules. Le tressage chauffé, craquant. Le tressage humide, embaumant. Le murmure du jasmin dans la torpeur de fin d'après midi. Le frangipanier aussi puissant. Les feuilles de banian entassées, les noix de coco vides, les feuilles du camphrier tombées. Le jasmin épanoui dans les gouttes rondes et pleines. Les gouttes de ravintsara dans l'eau du bain de ma fille. L'odeur de la peau. L'eau glacée apaisante. Le savon au shiso avec le morceau à la fleur de cerisier accroché qui disparaît. La crème au bambou. L'autre au riz. La mangue et l'amande pour nourrir les cheveux. Une certaine douceur rassurante dans la torpeur du jardin. Ni vénéneuse ni capiteuse; malgré ce que veut bien laisser penser ma peau qui dore doucement et mes boucles brunes que je cache, en attendant qu'elles poussent. L'envie d'être discrète. L'être, profondément. Pas tout à fait effacée. Comme un nuage poudré. A peine. L'épanouissement de tout ce que je suis de fragile.
Je ne fume plus.
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