dimanche 30 mars 2014

息 - Souffle (coeur bambou)




Des traînées d'or brûlent, partout sur les collines, poussées par le vent. C'est le milieu de l'après midi, l'ombre avance, la lumière devient plus orangée, en vibrations métalliques sur les herbes hautes.
Les voitures roulent encore sur l'asphalte qui disparaît dans le tournant, plus haut.
Une fine transpiration colle contre sa peau le tee-shirt d'homme qu'elle porte. Le col coupé laisse une de ses épaules nue, la nuque livrée au soleil. La bretelle de son sac à dos descend sur son bras un peu moite et tombe mollement en faisant s'éparpiller les graviers. Elle en sort une bouteille pleine de camomille qu'elle avait préparé en prévision d'une après midi entre 4 murs.

Ses yeux s'allument lorsqu'en buvant à longs traits, elle repense à la carpe dorée qu'elle observait dans l'aquarium quelques mètres plus bas, en s'arrêtant sur la route. Elle sourit toujours aux pousses de bambou en entrant dans la jardinerie qui dissimule aussi une animalerie. Elle ferme un moment les paupières sur les chants mêlés des oiseaux.
Un moineau du japon lui tournait le dos, laissant deviner sa nuque rose déplumée. Dans la cage du dessus, un mandarin blanc poussait du bec l'anneau jaune accroché à l'une de ses pattes.
Elle expire d'un coup, et longe le grillage qui s'enfonce dans la végétation.
Elle passe à travers un trou dans les mailles métalliques et quitte la circulation.

Le site est fermé au public, en principe. Elle marche dans ses pas d'enfant vers la première canalisation qui amène l'eau à la station d'épuration, pour la distribuer à toute la ville, en contrebas.
Le premier canal est à sec, un arbre brisé barre la route. Elle l'enjambe en suivant le son de l'eau du second canal qui circule en bas. Elle emprunte un sentier de terre où quelques papillons volettent entre les chokas. Les arbres se resserrent au dessus de ses pas dans la poussière. Elle distingue le canal moussu autour duquel la végétation se referme.

Elle s'arrête à la fin du sentier, l'eau claire à ses pieds. Elle hésite, s’accroupit. Ses chaussures sont déjà dans ses mains. Elle se redresse et traverse d'un bond.
Entre le ciment et la poussière, elle s'engouffre dans la dentelle d'ombres. Elle suspend sa course lente pour saisir des fleurs fraîchement tombées au sol, de longues coupes minces et blanches à la corolle violette. Elle a soulevé son tee-shirt pour les porter sans les abîmer. Elle frisonne doucement. Le bruit de la cascade couvre de plus en plus le courant continu qui s'en va à côté d'elle.

Elle s'arrête au pied des bambous; son cœur se fend, encore, autant de fois que la surface verte a été lacérée et jaunie de noms et d'autres inscriptions. D'un bras, elle s'enroule autour d'une large tige et saisit une mue végétale tombée dans la pente jonchée de feuilles mortes. Le velours noir piquant s'accroche sur sa peau par endroit.
Elle reprend la marche, et fouille dans la falaise qui apparaît entre les branchages, à la recherche des paille-en-queues. La végétation est plus clairsemée, de gros rochers polis au rythme des crues se laissent voir. Le canal longe le passage naturel de la ravine, peuplée de songes aux larges feuilles pointues tanguant au bout de leurs longues tiges.

Avant de pouvoir distinguer la cascade, des bananiers ouvrent un autre petit sentier caillouteux vers une masse rocheuse où se dresse des bambous, surplombant les petits bassins qui s'enchaînent, au milieu de la ravine.
La seule tache jaune qu'elle discerne est le bec d'un martin triste sautillant entre les rochers. Elle quitte le canal, pourtant arrivée à la fin, et suit l'oiseau, de rocher en rocher. Elle passe doucement une main sur les chaumes, ramasse un morceau de bambou mangé par les insectes mais encore solide, parfait pour recevoir de la calligraphie. Elle glisse la tablette dans son sac et passe derrière les bambous.

Elle s'assoie sur un rocher, au pied de la falaise où elle domine de 2 mètres le plan d'eau suivant. Elle regarde un chaume immense en bas, dans un creux de roches, tombé du petit bosquet, là où l'eau cascade et se calme pour mieux redescendre.
Elle pose la mue doucement piquante sur la roche et y dispose les fleurs en éventail, corolles vers l'extérieur. Elle regarde la lourde et longue tige, sans doute projetée par le dernier cyclone en bas, en pensant à ses pieds nus sur la surface lisse. Elle le taille dans le sens de la longueur en esprit, cherche dans une idée de circulation, entre l'eau et la plante des pieds, en projetant vers le ciel... puis retourne au canal en saisissant une tige fine de la longueur de son bras dans l'eau.

Des gens parlent, rient, des enfants crient. Ils sont là mais pas vraiment. Elle les voit sans les voir.
Elle a quitté son sac, ses vêtements et les jambes dans la bouche du canal, elle plonge les mains en coupe dans l'eau glacée pour la porter à sa nuque, son ventre, son visage.
Elle cherche dans le ciel les oiseaux blancs qu'elle aperçoit tournoyer au dessus des bambous au milieu de la ravine.
Elle marche encore un peu et prend sa respiration. Elle s'enfonce dans le bassin noir. L'encre circule dans son sang, autant de gouttes que de graines dans les tiges de bambou du kayamb. Elle sent la pluie dans tout son corps.
Quelques brasses et elle se redresse dans la vase pour rejoindre la ravine, en suivant le courant entre les pierres.

Elle pousse doucement les tiges des songes, en secouant un peu ses doigts au dessus des feuilles, laissant perler quelques gouttes qui glissent en reflets argentés à la surface des feuilles vert sombre et violettes.
Une petite libellule prune frôle l'eau devant elle. Elle descend plus loin, quitte les voix derrière elle et s'attache de plus en plus à la pierre. Elle vieille à ne pas briser les toiles d'araignées aquatiques en suspension à fleur d'eau. La libellule est toujours là, devant elle, une autre, semblable la rejoint.
Elle se demande si elle aurait souhaité sa présence à lui.

Elle s'étend de tout son long dans la faible profondeur sur les galets. Elle ne veut rien.
Elle laisse tout ce rien prendre de la place en elle.
Le froid pénètre sa peau, son corps disparaît dans la fraîcheur liquide.
Tout ce vide en elle, tout ce vide autour d'elle.
Son corps n'est plus qu'une infinité de minuscules gouttelettes glacées.
Elle s’unit au minéral, l'étreinte sans le toucher, au delà du toucher, dans la profondeur de la surface qui s'efface. Toujours là, en train de s'en aller.
Elle s'assoie, tête en arrière, en perdant son regard dans le vol des paille-en-queue.
Doucement, elle se relève, vivante, et remonte le courant calme.





Sur le chemin des Cormorans











samedi 29 mars 2014

竹 - Kayamb

 Nuage de bambou de HortNouveau sur Etsy






L'eau coule dans l'évier.

Le morceau de savon vert tendre est plein de bulles.
Elle descend de ses poignets jusqu'au bout de ses ongles, en appuyant dans les paumes et frotte ses doigts, l'un après l'autre. Elle passe ses mains dans le filet clair, en faisant glisser la mousse. Elle remonte la fraîcheur sur ses avant-bras, tourne le robinet. Elle reste comme ça, en suspendant ses bras, laissant goutter l'eau dans la lumière, avant de saisir le torchon accroché au niveau de sa taille.
Le tissu s'imbibe un peu plus à chaque frottement léger. Elle le secoue. Le son claque dans la pièce.
Il ne reste qu'une odeur d'amande.

Elle a préparé une casserole déjà pleine d'eau.
Elle fait rouler le morceau de songe frotté, débarrassé de la terre, sur le plan de travail. Elle le prend dans ses mains, les passe sur la surface qui accroche un peu. Elle pense le poser dans l'eau, puis saisit un couteau. Elle commence à gratter, un peu. Elle épluche aussi prêt de la surface que possible. Le couteau glisse, faisant ressortir le gluant de la racine qui enrobe doucement ses doigts. Sur la planche de bambou elle pose la racine nue après avoir pousser les épluchures avec la lame. Elle taille des tranches épaisses, régulièrement, en traversant la chair blanche piquée de violet, d'un mouvement sûr du poignet. Elle saisit 5 rondelles et les dispose dans le panier de bambou adapté à la casserole.

5 pétales et un cœur, vide.

Elle observe l'espace entre les fines lattes, cherche jusqu'à l'eau en dessous. Elle se perd un moment entre les pierres noires de la ravine, à l'ombre des vieux bambous. Elle cherche le courant d'eau glacée et le murmure sifflant des feuilles pointues. Elle tourne la tête et regarde son sac en jacinthe d'eau, les petites fleurs et les poissons blancs qui nagent sur le bleu sombre du tissu, sa capeline molle, tressée, posés sur la table.
Elle saisit le couvercle de bambou.

Elle enferme la fleur.

Elle reprend le couteau et quadrille les tranches restées sur la planche. Elle s'essuie les mains sur le torchon. Elle découvre la casserole, dépose la fleur. Elle saisit le petit pot de graines de cardamome.  et les fait glisser, de haut en bas, de bas en haut, en renversant doucement le contenant. Elle ouvre le couvercle, et cueille une graine après l'autre, en les faisant rouler entre ses doigts. Elle les porte à sa bouche, les ouvre entre ses dents, et les jette dans la casserole. Elle prend à pleines mains les cubes de songe et remue doucement l'eau encore transparente, en frottant un peu sa peau pour ôter le gluant entre les cosses de cardamome qui flottent.
Elle retrouve le contact du tissu, éponge ses mains.
Elle plonge un doigt encore un peu humide dans le sucre roux de canne, gratte sa peau. Elle pousse un peu la gousse de vanille et secoue doucement le bocal au dessus de la casserole.

Une petite colline de cristaux.

Elle allume le feu, pose la casserole, hésite un œil sur les étoiles de badiane, puis ferme avec le panier de bambou.
Une paire de baguettes accolées surplombent un paquet de farine de riz gluant à moitié entamé, à côté d'une jatte en terre cuite. Elle joue avec l'élastique entourant le paquet, puis verse la farine dans la jatte qu'elle a rapproché d'elle.
Avec les doigts, elle forme un creux au sommet, replonge sa main dans la poudre blanche et sent son corps palpiter dans l'eau de la rizière. Elle reforme le creux. Un doux crissement s'échappe de ses paumes blanchies. Elle s'époussette avec le torchon, qu'elle repose en boule sur le plan de travail.

Les derniers longanis de la saison la regarde depuis le vanne au centre de la table.

Le vent d'hiver est rentré en même temps qu'elle du Sud sauvage cette année. Ses pieds ont quitté la plage de sable blanc où des poissons morts se sont échoués par centaine. Depuis la baignade dans le bassin de lave, elle n'est pas retournée à l'océan. Elle garde sous ses pieds les galets noirs, bruns, rouges, les quelques morceaux de coraux polis, en cherchant encore l'odeur profonde d’embrun, de moules entre les algues accrochées aux rochers.

Les cocotiers estropiés depuis le dernier cyclone bruissent avec la houle grossissante. Les noix lourdes murissent sous les lames jaunies.
Elle s'assoie, se ressert un thé et caresse la capeline souple. Ça n'est pas un tressage en vacao mais le vent l'appelle encore à l'intérieur, depuis les longues feuilles vertes, les troncs tordus.
Elle boit une gorgée en pensant au paquet de nouilles de riz qu'elle a oublié, là bas. Les algues séchées aussi. Et puis la moitié de jacques mûr dans le frigo. Un peu de sa présence encore dans le petit sac de papier contenant de l'aubépine, enfermée dans le placard du bas de la cuisine.

Elle décroche un longani des branches et l'épluche. Elle le porte à sa bouche dans une gorgée de thé.
La douceur du fruit roule sur sa langue entre l’âpreté des feuilles et la puissance du jasmin.
Le coeur au bord des lèvres.
Elle fait glisser vers elle un filtre et une feuille de papier fin, déroule le cordon autour du petit sac de toile brodé qui cache son tabac et roule une cigarette fine.
Elle craque une allumette et prend la première bouffée.
Elle rejette la tête en arrière, une main appuyée sur le banc, regarde les volutes grises s'échapper de sa bouche. Elle se redresse en portant sa main dans ses cheveux. Elle entortille une boucle qu'elle trouve déjà trop longue. Elle se recroqueville un peu.

Elle se lève, passe la main sur sa nuque en repoussant les cheveux courts vers le haut du crâne. Elle avance vers la cuisinière, son regard accroche la paire de ciseaux qui pend sur le mur.
La capeline a eu raison d'elle, quelques centimètres, quelques jours. Elle sourit, entortille une mèche autour de son doigt.
Elle projette le prochain coup de ciseau, la nuque nue.
La cigarette grésille dans le cendrier coquillage.

Elle tourne le robinet et fait couler l'eau sur ses mains en les massant un peu.
Dehors, la houle forcit. Depuis la casserole, on devine de petits bouillonnements. La vapeur parfumée monte quand elle ôte le panier de bambou. Elle le dépose et saisit une fourchette qu'elle pique dans un cube de songe. Le liquide a épaissi, un rien sirupeux, passé au parme, rougi. La texture un peu farineuse fond dans sa bouche.
Elle éteint le feu, prend une assiette sur l'égouttoir et la passoire sur le crochet qu'elle pose au dessus de la jatte. Rapidement, elle verse le contenu de la casserole, attrape la passoire, y pique la fourchette et glisse le tout sur l'assiette en saisissant les baguettes.

Elle commence à tourner les baguettes dans la masse qui s'agglutine, ramenant la farine au centre au fur et à mesure. La poudre blanche change de couleur, un rien translucide. Elle soulève la masse, racle les bords de la jatte, soulève encore. Elle finit par extirper les baguettes en ôtant la pâte collante avec les doigts.
Elle met un peu de farine sur sa paume ouverte, passe ses mains l'une contre l'autre, la pâte roulotte au bout de ses doigts. Elle approche la pulpe de la masse chaude et presse doucement, la tourne, fait tomber en pluie la farine, un peu, et enrobe la pâte.
La texture est aussi douce que l'odeur qui se dégage en même temps que la chaleur.
Elle étire la masse qui tiédit, lentement, en blanchissant ses paumes lorsque la pâte de riz reste sur sa peau.

Elle ôte les mains de la jatte et inspire, profondément. Elle prélève une grosse noix de pâte qui résiste un peu, elle savoure la légère résistance élastique. Entre ses paumes, une boule prend forme, se refroidit encore, devient plus lisse à chaque mouvement. La sphère glisse sur un plateau en bois fariné et s'affaisse un rien, reposée.
Elle épuise la pâte, jusqu'à en faire de petites perles, formant des gouttes qu'elle dispose en cercle, par 5, en laissant les fleurs finir d'apparaître toutes seules.

La jatte est vide.
Elle la pose dans l'évier, la remplie d'eau fraîche et plonge ses mains tièdes à l'intérieur, en quittant la dernière caresse dans le riz qui adoucie sa peau.
Les mains humides, elle verse dans l'assiette le contenu de la passoire qu'elle plonge ensuite dans la jatte. De petites gouttes apparaissent sur ses pas jusqu'à la table où elle décroche un second longani. Elle dépose l'épluchure sur la table, et retourne à l'assiette en faisant rouler le fruit sur sa langue.
A travers la vitre, elle observe les moineaux, fourchette à la main, en écrasant consciensieusement les cubes de songe. Les oiseaux sautillent entre les branches, rassasiés après avoir becqueté la pile de galettes de sarrasin restées sur la table depuis le matin. Maintenant, ce sont les fourmis qui cheminent autour de l'assiette. Le gris avance dans le ciel. Elle espère qu'il va pleuvoir.











Blog Modern Hepburn
(à déguster)

jeudi 27 mars 2014

Kukicha Indien






















- 3 c. à soupe de Kukicha
(Un thé vert fait à partir de brindilles, une cueillette particulière en plusieurs temps, 
à l'origine considéré comme du "sous-thé", 
dont j’apprécie le goût de sous bois et l'odeur embaumante )
- 3/4 graines de Cardamome
- 1 petit morceau de Gingembre haché fin
[- 1 c. à café de Miel
- 1 c. à café de sirop de Tangor]
- 60 à 80 ml d'eau

[Faire infuser le Gingembre à part dans le mélange Miel/Sirop
chauffé avec un fond d'eau]
Attendre un peu après ébullition de l'eau que la température redescende 
Ouvrir les graines de Cardamome et les mettre avec les Brindilles dans la théière 
Ajouter le mélange Gingembre [Miel/Tangor]
Puis l'eau et laisser infuser 1min50 à 2min50
Plus longtemps, le Gingembre pourrait être trop puissant
et le goût du thé noyé ou encore trop "boisé" 

Il y a plusieurs sortes de gingembre, allant du plus piquant au plus fruité 
A noter pour évaluer la quantité et le temps d'infusion de ce dernier
On peut aussi bien préparer un sirop ou une infusion à part, 
qu'on ajoute ensuite au thé

Hormis le côté rassurant que ce mélange peut avoir pour mon palais habitué aux épices 
et aux saveurs piquantes et chaudes
C'est un bon stimulant pour la circulation sanguine et le système gastrique

Je ne boude pas une touche de Bergamote ou de Combava
Le premier agrume plus chaud, le second plus piquant et vert 
Ce dernier étant recommandé pour l'apaisement
Un tout petit peu de zeste est suffisant pour parfumer fortement







旦 - Bardzour


Bol à pelote (et aiguilles en Bambou)
de MuddyHeart sur Etsy








La nuit s'en va doucement par la fenêtre entrouverte.
Un chemin de galets de rivière - ramassés la veille, lisses, gris - se devine sur la table.
Elle dépose son verre d'eau, saisit une des formes polies, la fait rouler, la repose plus loin.
Les cheveux en pagaille, elle avance en caressant du bout des doigts le bord du bois de la table, sa main retombant dans un balancement prêt de son corps, tout au bout.
Les étoiles s'effacent, grignotées par les premiers rayons du soleil et le bleu du ciel qui s'étend.
Elle regarde à travers la vitre en faisant consciencieusement de la buée.
Elle pose un doigt au centre du cercle de gouttelettes, juste le temps de sentir le contact froid, hésitante.
Elle trace une ligne verticale du centre jusqu'en bas. La pulpe du doigt se détache de la paroi. 
Ses mains descendent jusqu'à ses pieds, elle commence à remonter lentement les bas gris à grosses mailles sur ses jambes. Elle passe sa main dans ses cheveux, sur sa nuque.
Elle écoute son souffle dans le chœur des oiseaux qui s'éveillent.
Elle pose les doigts dans l'embrasure, ouvre en grand et se glisse sur le rebord de la fenêtre en se hissant.
Une jambe ballante, adossée dans le coin, elle déplace son regard entre les couleurs rose orangé, l'indigo, et les étoiles qui se voilent de bleu azur.
Elle cherche encore la nuit aux pieds des arbres.
Elle fouille les racines encore dans l'ombre, en inspirant pour trouver l'odeur de mousse et de terre.
Les branches s'embrassent, se quittent, se plient, traversées par de longs souffles de vent.
Son corps à elle aussi penche, lorsqu'elle replie dans ses bras le reste de chaleur de la chambre.
Tête sur les genoux, elle fait crisser entre ses doigts la chemise de lin épais écru trop grande qu'elle a enfilée, assise sur le lit.
Tout juste un regard entre les draps, en écoutant son souffle et elle l'a quitté, un peu.
Maintenant, elle attend que l'eau bouille en pensant déjà à s'étirer sous les arbres.
Peut être pour le quitter un peu plus.
Elle hésite. Porte de nouveau la main à sa nuque, regarde le bord de mur face à elle.
Elle quitte le cadre en faisant craquer le parquet jusqu'à la cuisinière.
De petites bulles remontent à la surface dans la casserole.
Elle éteint le feu.
Encerclant une tasse en grès, sur le plan de travail, un pot de miel de longanis, une petite cuillère, un pot de verre à moitié rempli sur lequel on peut lire Tilleul.
Le bruit mat à l'ouverture. Le bruissement doux des fleurs sèches. Quelques pincées dans la tisanière posé un peu plus loin.
L'eau brûlante coule en long filet.
L'odeur caressante se répand pendant qu'elle lève les bras, rejette la tête en arrière, s'étire en regardant ses mains.
Elle prend le temps de sentir la nuit quitter son corps, en savourant la brume de petit jour qui l'habite.
Elle regarde un peu de vapeur s'élever.
Lentement, la cuillère tourne. Elle la pose.
Elle fait couler le liquide dorée dans la tasse, reprend la cuillère, étire un filet de miel, l'enroule autour du métal puis le dissout en tournant, lentement, en regardant le jaune foncer à l'intérieur du grès.
Les doigts emmêlés autour de la tasse, elle laisse monter la chaleur sous sa peau.
Elle attend, debout, un instant devant la table, les yeux posés sur les troncs moins sombres dehors.
Elle dépose la tasse, au plus prêt de la fenêtre.
Elle se penche, un moment, ferme les yeux, arquée, et laisse la fraîcheur du matin empourprer ses joues.
Elle reprend la tasse dans ses mains, souffle un peu dessus.
La surface se trouble. Elle souffle encore.
Elle repose la tasse, et avance aussi vite qu'elle le peut sans faire de bruit.
Il dort. Elle s'avance, s'assoit au sol. Il lui tourne le dos comme ça.
Elle soulève le drap, le plie plus bas.
Elle inspire l'odeur poudreuse de coton un rien acide.
Elle approche une main à la naissance de la nuque.
Le bout des doigts.
La paume à fleur de peau.
Elle descend dans un mouvement léger, sans appuyer, en apesanteur, le long de son dos.
Elle sent la chaleur changer, donne celle qui la quitte, s’imprègne de celle qu'elle effleure.
Il dort.
Elle ramène ses mains vers elle. Elle inspire.
Elle regarde le corps endormi en goûtant la tiédeur nouvelle de ses paumes qui s'étirent dans ses doigts.
Elle se relève en faisant bruisser un peu le bois et sort.
Elle embrasse de nouveau la chaleur de la tasse.
Elle boit la première gorgée, en remontant dans les ombres des arbres qui s'étendent du bois jusqu'à la maison.



Le souffle du vent murmure dans les feuillages. Je déplies mes paumes.




 fade04 de Fabio Selvatici






Haïku peut-être - Fin de l'été

Chaleur étouffante -
Je fais tourner une orange
entre mes mains moites.


Allée ensablée.
Perles de sueur lorsque
je passe le balai.


Sous les cocotiers
un papillon bleu-violet
volette et se pose.


Nuages lourds de pluie -
Fébrile, je reprends du thé,
tiède et trop foncé.


Sans faire attention,
pressée de me rafraîchir,
je noies des fourmis.


Au bout d'un cordon,
un petit nuage de jade
garde une vieille clef.


Aurélie

Le souffle du vent murmure dans les feuillages. Je déplies mes paumes.

 TheRubbishRevival


 Blackhappinesslove


Yoko par Glenn Losack






Ebru Sidar



 Ivano Vitali






 Janine Gardner


Plushkinn


Batixa


Kenji Alucky


 Isager Tvinni 39s - Pêche mêlé de Gris


 Yoran Morvant


  Nǚshū







 Ceramique - Textures



 Ebru Sidar






The Traveler de Fabio Selvatici 


Yoran Morvant


Ebru Sidar



 Veines



Tatouages éphémères 



Andreea Chiru


 Cerf...



 Sang d'encre - Sølve Sundsbø



 Thomas Hooper




 Ligne... 




 Lantern Moon needles



 Crochet pour galet




 Jorgen Grotdal



 

 Mirai / Future - Kisaragi Chiyo





 Shinichi Maruyama

jeudi 20 mars 2014

Le coeur sur la balançoire

Sur les carreaux peints,
tenant un bol, une toile,
deux japonaises veillent
la photo ternie d'enfant
où je me balance encore.

Sur la vieille image,
mes yeux sourient. On m'appelle
la petite chinoise.


Si sûr, le regard de ma tante, avant mes pas.

mercredi 19 mars 2014

Alexandrin solitaire

Suite de matins dans les étoiles blanches: jour tremblant.

Aurélie

Haïku peut-être - Saint Philippe - Mars 2014

Ainsi va le souffle:
en un seul battement de cœur,
se taire et tout dire.


A perte d'horizon,
les cannes se plient et saluent:
prière végétale.


Longues tiges courbées
comme les hommes qui les coupent.
- Douceur de l'effort


Un homme noir d'ébène
étire son cou vers le ciel
- Le fantôme d'un coq


Roue vide de tracteur -
Elle embrasse encore la terre,
doucement: Jardinière


Cercle d'herbes jaunies
où scintille l'esprit des carpes.
Là, fût un bassin.


Parterre de boutons -
Comme ils s'ouvrent, ils se fanent
les pétales fragiles.


Iris gigantesque,
les ailes de ces papillons
collés en cercle.


Trouée de nuages,
un paille-en-queue apparaît.
- Messager solaire.


Écheveau de vent -
Les nuages filent, les cannes tissent
entre ciel et terre.


Une goutte de pluie
rejoint les nappes souterraines;
au bonheur du puits.


Pieds nus sur la mousse
qui mange lentement la dalle noire;
si douce, la fraîcheur.


Appel dans la cuisine -
Le pot de gros sel résiste:
crissement du verre.


Rinçage du riz blanc.
Les doigts ridés de ma tante
et les ondes dans l'eau.


Vapeur de riz cuit.
J'observe le couteau brisé,
sans pointe - Vide tranchant.


Depuis mon poignet,
une minuscule araignée
descend de son fil.


Il apparaît comme
l'ombre s'étire sur les cannes,
le chant des grillons.


Posée sur le sol,
une étoffe de soie pliée
un peu poussiéreuse.


Ma tante m'offre sa robe.
Petits oiseaux, chrysanthèmes,
brodés sur bleu nuit.


Pensées envolées -
Telles l'eau de la casserole
laissée sur le feu.


Dehors une pluie douce -
le métal rougit encore
du second oubli


Deux grues suspendues
semblent vouloir s'en aller.
- Prisonnières d'un cadre


Pluie de fin du jour.
Murmure depuis les gouttières
de fins ruissellements.


Soir de Pleine Lune.
Ma nuque nue éclairée
dans la pénombre.


Dans le vide d'une cage,
j'observe un mandarin blanc
pépiant: Ming. Ming. Ming!


Au delà des murs,
des myriades d'étoiles scintillent.
- J'inspire dans l'espace


Souhaitant être légère,
je tâche de porter mon nom
- Le silence est d'or


Le poids d'un regard:
une renarde à mon chevet
me tire du sommeil.


Éloigné du chœur,
un minuscule insecte
cherche encore son chant.


Écho au soleil,
les sporanges de la fougère -
Délicates lueurs


Rosée matinale.
Sans bruit, un tout jeune grillon
me tient compagnie.


Silence immobile -
Un tabouret pour lui et
un fauteuil pour moi.


Une pluie très fine
fait disparaitre le long champ
de roseaux à sucre.


Fille des colonies
Je laves le sang de mes mains
sous le jamrosier 


Une goutte solitaire
perd son corps dans le courant.
Une mue, puis une autre.


Doigts agiles du vent -
Les vacaos s’emmêlent même verts.
Je tiens ma capeline.


Sur la pierre humide,
je dessine une orchidée,
grise entre les gouttes.


A flanc de montagne
passe une immense grue blanche
au corps de nuages.


Parfum entêtant
des roses épineuses. Je fuies
- Effluves de la terre


Sur le sol, mes doigts
cherchent, entre les poils d'une peau,
la tiédeur d'un loup


Hortensias gravés -
La peinture semble faner
dessus le bois sombre


Un salon oublié
cache un service à thé noir
et or poussiéreux


Grands lys rouges brodés
au dessus du canapé.
Légèreté des chaînes.


Longues caresses du vent.
Ma fille chante en dessinant
- Gorgée de thé vert

Aurélie

mercredi 5 mars 2014

Another Walk

" La route des reflets est interminable. Quand Naja Naja regarde droit devant elle, elle n'aperçoit qu'un embrouillis de lumières et de bulles, de drôles de lueurs confuses traversant le brouillard, comme s'il y avait une cataracte quelque part. Mais elle continue à marcher. Peut-être de l'autre côté y a t'il un autre soleil, une autre terre, une mer nouvelle? Elle va vite, entre les éclats de la lumière. Les pavés sous l'eau vous portent, ils vous poussent en avant, et les bulles qui éclatent vous chatouillent et vous donnent envie de rire.

On pense qu'on peut avancer toute sa vie. On irait d'un bout à l'autre, comme cela, en sautant d'un pavé à l'autre. On n'arriverait jamais jusqu'au soleil, parce que le soleil serait immobile au-dessus de l'horizon, pareil à une grosse lampe de 2000 watts. On serait tout le temps ébloui.

Tu marches dans la lumière. Elle est à moitié solide, pas tout à faire comme la terre, et pas tout à fait comme l'eau. Elle te porte sur les ondes, elle fait des vagues sous tes pieds. Alors elle devient aussi comme ta peau, et toi tu deviens comme la lumière. Tu es rapide, et très blanche, tu éclaires comme si ton corps était traversé d'électricité. Les reflets s'allument et s'éteignent sur ta peau.

Tu entends des bruits bizarres. Il y a des bulles qui éclatent en faisant: pop! pop! et il y a les bruits stridents des étoiles. Il y a aussi des bruits qui viennent du plus profond de la mer, des bruits graves, des gargouillis, des borborygmes. Surtout, ce qui est bien, c'est qu'ici, il n'y a pas d'ombre. "

In Voyages de l'autre côté de J.M.G. Le Clézio




Au bout des doigts - Margouillat
















Pâte à Maïs sur galet

" Parle à la pierre dans sa langue - et la montagne à ta parole - dévalera dans la vallée "
Mistral, Mireille, VI.

Au bout des doigts - Hydrangea


Pique-aiguilles brodé



Pâte à Maïs